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Épisode #188 - La cuisine dans les dessins animés et films jeune public

Cette semaine, j’avais envie d’un épisode un peu différent. Un épisode qui s’intéresse à la cuisine au cinéma. Et quand je dis cuisine, je parle de la cuisine au sens large. Aussi bien la pièce de la maison, que du restaurant ou de la gastronomie en règle général.

Parce qu’à l’écran, la cuisine est partout. Parfois centrale comme dans The Bear, parfois surtout comme décors pour des scènes mythiques comme dans Shining. C’est parfois dans le titre, Mange, Prie, Aime, Charlie et la Chocolaterie… et parfois pas du tout !

Pourquoi la cuisine est-elle si centrale au cinéma ? Qu’y raconte-t-on ? A-t-elle un rôle bien défini ? J’avais envie de me plonger dans tout cela — et de vous parler en même temps de films qu’y m’ont personnellement marquée.

Et pour ce premier épisode, j’avais envie de me concentrer sur les films jeune public et qui ont bercé mon (et peut-être la vôtre) enfance.

Ratatouille où l’amour de la cuisine

C’est sans doute le premier dessin animé auquel on pense quand on parle de cuisine. Et dans ce dessin animé, tout y est : la créativité, l’émotion, la gastronomie à la française… Qui n’a pas été marqué par les scènes pétillantes des associations de goûts de Rémy.

Ici, même un petit rat (aka l’ennemi numéro 1 de toute cuisine) trouve dans la gastronomie son espace d’expression et de liberté. La cuisine devient un art, où l’on peut inventer, surprendre, bouleverser. Et le dessin animé le retransmet parfaitement. L’écran noir et les feux d’artifices qui prennent place quand il goûte le fromage et la fraise en est un bon exemple. Où le critique gastronomie qui se retrouve dans ses souvenirs d’enfance en mangeant cette ratatouille qui en devient éponyme. Bref, dans ce dessin animé on retrouve tout ce que la cuisine peut faire vivre émotionnellement. Créativité, expression de soi, passion, souvenirs…. Et peu importe son statut social tant que l’on est passionné.

De la cuisine du petit studio de Linguini à celle professionnelle et gastronomique d’Auguste Gusteau en passant par la salle de restaurant, la cuisine est définitivement montrée sous toutes ses coutures.

Alice au pays des merveilles, la cuisine magique

Dans Alice au pays au merveilles, la cuisine est plutôt une porte d’entrée dans l’imaginaire et est empreinte de pouvoirs magiques. C’en est même un rite initiatique. En découvrant la potion “Buvez-moi”, Alice veut d’abord s’assurer qu’elle peut le boire sans que ce soit “du poison”. Sa réaction est d’abord celle d’une enfant et qui ne veut pas transgresser les règles qu’on lui a apprise. Et c’est ensuite ce qui lui permettra de franchir les portes et découvrir des mondes nouveaux.

Ici, le film joue sur la métaphore de la croissance : grandir trop vite, rapetisser, perdre l’aisance corporelle. Ces variations comiques rendent sensible l’inconfort des métamorphoses de l’enfance.

Puis la nourriture a directement des pouvoirs magiques dans la scène de la montre et du chapelier fou. Et c’est une vraie subversion des rituels de table qu’y s’opère. Le thé chez le Chapelier ridiculise l’étiquette victorienne : la table n’ordonne plus la société, elle désoriente. Boire/manger n’a plus une finalité nutritive mais devient jeu de langage et de nonsense.

Et au global, dans ce film l’on revient que la nourriture est attirante mais parfois piégeuse. C’est d’ailleurs aussi le cas des parents transformés en cochons dans d’autres œuvres de Miyazaki. Ici, l’univers “avale” Alice. Il faut donc certes être curieux avec la nourriture, mais savoir tout de même s’en méfier. Avant d’“ingérer” un aliment ou bien une règle, il est essentiel de l’interroger.

La folie des grandeurs dans Charlie et la Chocolaterie

Il n’y a sans doute pas meilleur film pour traiter de la folie des grandeurs et de l’univers du sucré. Car tout enfant, ou presque, attiré par le désir de sucre, y voit forcément un monde magique.

Le film en montre une bonne critique. À commencer par l’épreuve morale dans les salles thématiques. Chaque pièce de la chocolaterie est un dispositif d’évaluation des enfants : la rivière de chocolat, la gloutonnerie. La gomme expérimentale, la précipitation ou la compulsion. Le noisetier des écureuils, le caprice. Et la salle télé, une addiction aux écrans (déjà !). Bref, la nourriture est aussi ce qui révèle les failles éducatives et sociales de chacun de ces enfants. Et ceux qui arrivent à chacun d’entre eux ne fait finalement pas rêver. Si l’on commence le film en les enviant de découvrir ce territoire magique, ce qui les attend nous enjoint à faire attention.

Ce film est aussi la mise en scène d’un spectacle industriel du sucré. La friandise est devenue une technologie (des machines dernier cri, des recettes expérimentales), et la mise en scène d’un paysage comestible réveille l’émerveillement. Mais le merveilleux n’a encore une fois pas que du bon. C’est véritablement la logique de l’abondance infinie qui met à nu l’excès comme vice.

Autre petit détail important, en donnant à Wonka un père-dentiste et très rigoriste, Tim Burton ancre la compulsion sucrée dans une histoire intime. C’est l’interdit qui crée le désir. La nourriture comble un manque affectif avant que Wonka ne découvre les relations humaines.

Bref, le message est clair : la gourmandise n’est pas un mal en soi mais c’est l’absence de mesure, de respect et d’altérité qui est sanctionnée. Charlie gagne non parce qu’il renonce au plaisir, mais parce qu’il refuse la triche et sait partager.

Ici, la cuisine est le miroir des vices et vertus, machine à émerveiller qui critique la société de consommation et redéfinit le “bon” plaisir.

Le cake d’amour de Peau d’Âne

C’est sans doute l’une des scènes du cinéma français qui m’a fait le plus rêver. Et je me souviens encore chanter cette chanson, pour moi iconique, devant la été.

Quelle meilleure façon que celle de cuisiner en chanson. Rituel pour beaucoup d’entre-nous, Peau d’Âne va donc plus loin et chante la recette.

Et puis, cette “Recette du cake d’amour” mélange des gestes culinaires et ce qu’on pourrait qualifier d’ingrédients “secrets” très personnels (un anneau et un souhait d’amour). La cuisine devient une magie opératoire : on “met de soi” dans le plat.

La cuisine ici, devient un langage d’amour. Faire à manger, c’est aussi le faire pour les autres, pour leur faire plaisir, pour leur exprimer notre amour.

Petite blague à part de la fan de Friends que je suis, c’est d’ailleurs ce qu’exprime Monica quand, faut d’argent, elle offre des cookies faits par ses soins en guise d’étrenne. C’est toujours plus personnel !

Mais revenons à Peau d’Âne. C’est déguisée en servante que la princesse passe par la cuisine (l’espace bas du château) pour reconquérir une place haute (le trône et l’amour du prince). La transversalité sociale du geste culinaire (des caves au palais) est au cœur du film de Demy.

Ici donc, la cuisine aussi est une marque d’amour et d’expression.

Conclusion

En bref, dans les dessins animés ou films jeune public, la cuisine est vectrice de plein de messages. Mon analyse n’est évidemment pas exhaustive puisque je n’ai parlé ici que de 4 films différents mais qui expriment, de mon point de vue, chacun de grands messages.

Tantôt critique de la folie des grandeurs, tantôt rite initiatique et tantôt amour et expression de soi, la cuisine est plein de choses et le cinéma ne cesse de les représenter depuis notre plus tendre enfance.

Si ce format vous a plu, je serai ravie d’en faire une nouvelle partie pour analyser la cuisine dans les films contemporains, les classiques, les comédies romantiques ou les séries télévisées !